Le rapport des commissaires enquêteurs sur la demande d’exploitation de carrière de Heidelbergcement Calcia a été publié le 28 12 18. Ce rapport de 47 pages est écrit de façon “neutre,” avec des termes ” pesés”. Il s’agit d’un avis favorable pour la demande de permis exclusif de carrières (PEC lié à la zone 109) et d’un avis favorable avec réserves pour la demande environnementale (DAE). Voici une première approche, qui tendrait à montrer que les réserves sont plus importantes qu’il n’y parait après les mots “avis favorable”.
(Les extraits du rapport sont en italique, avec le n° de page. En gras, les points principaux).

• UN PREAMBULE IMPORTANT
Les commissaires enquêteurs précisent dès le début des deux avis que :
« L’avis (des autorités compétentes) devra prendre en compte, au-delà des questions purement techniques, économiques et environnementales, les inquiétudes et ressenti des populations et notamment celle des élus. Cet avis devra être cohérent tant avec la situation actuelle qu’avec le futur et les évolutions probables de notre société” (pages 44 et 47).

• LES BASES DE LA DEMANDE RELATIVISEES
Les arguments principaux de CALCIA pour justifier ce projet sont les besoins en ciment du Grand Paris, la proximité de Gargenville et les emplois. Les Commissaires Enquêteurs les relativisent : si les besoins de ciment augmentent légèrement, « La conjoncture est donc favorable pour la cimenterie, sans que sa localisation près de Paris constitue un avantage décisif de compétitivité  » (page n°30).
Pour l’emploi, en tenant compte de ceux qui pourraient être détruits dans les villages et le bassin d’emplois important de Mantes : « Dans ces conditions, la commission d’enquête estime que ce critère n’est pas déterminant pour la décision à prendre » (page n°35).

• DES RISQUES MAJEURS CONFIRMES DANS LE RAPPORT

1 – La nappe phréatique.
« La pollution de la nappe phréatique constitue le risque majeur de cette nouvelle carrière » (page 27). CALCIA a prévu d’exploiter la couche de calcaire jusqu’à 1 mètre au-dessus de la nappe phréatique. Les commissaires enquêteurs souhaitent qu’ils restent quelques mètres au niveau piézométrique le plus haut de la nappe phréatique » (page 34). Cette précaution aurait pour conséquence une réduction du potentiel d’exploitation du calcaire.
Les CE souligne aussi que l’étude de portance du carreau est insuffisante, et l’étude hydrologique est incomplète car elle ne prend pas suffisamment en compte l’impact de la carrière sur l’alimentation en eau de la Montcient et sur les captages en aval.

2 – Le paysage.
« Le coteau qu’il est envisagé de creuser est visible jusqu’à plusieurs kilomètres à la ronde, contrairement au site de Guitrancourt situé dans une combe. » (Page 36).
Cette situation à l’intérieur du Parc Régional du Vexin pose évidemment question ; de nombreuses remarques illustrent cet état de fait et notamment celle du Parc Régional du Vexin » (page 27).  Rappelons que le PNR a donné un avis défavorable à ce projet de carrière.

3 – La réhabilitation des sols et leur restitution à l’agriculture.
En plus de souligner l’incohérence du phasage de la carrière avec la remise en culture, la commission d’enquête demande, en cas d’autorisation d’exploitation « de prévoir dans l’arrêté des dispositions permettant de vérifier au jour le jour le strict respect des mesures préconisées par la chambre d’agriculture ». (page 36). Comme le PNR, la chambre d’agriculture a donné un avis défavorable car, selon elle, il n’existe aucun exemple de réhabilitation agricole parfaitement réussie en France !

4 – Distance de la carrière par rapport à la route de Guitrancourt
Le projet prévoit bien un retrait de 20 m par rapport à la route au périmètre de l’autorisation (au lieu des 10 m obligatoires), mais : « l’arrêté autorisant Guitrancourt jusqu’en 2023 impose un éloignement de 75 m depuis la route départementale de Guitrancourt à Brueil en Vexin : il n’y a aucune raison de réduire cette protection pour une nouvelle carrière. » (page 36). Ce qui réduirait d’autant le potentiel d’exploitation.

LES CARRIERES ET L’USINE CONSTITUENT UN TOUT

Alors que CALCIA a toujours soutenu que l’enquête portait uniquement sur la carrière projetée et que toute observation concernant l’usine était hors sujet, les commissaires enquêteurs rejoignent la position de notre association et de l’AE affirmant que «la cimenterie de Gargenville et les carrières de calcaire de Guitrancourt et de Brueil-en-Vexin sont fonctionnellement liées entre elles, que les incidences environnementales découlant de la réalisation du projet doivent être analysées globalement » (page 29).
La commission d’enquête a donc pris en compte les documents concernant les émissions polluantes de l’usine et les conséquences possibles sur la santé.

1 – LES PARTICULES FINES
«  S’il est impossible de prouver que les troubles dont font état plusieurs contributeurs (asthme et autres maladies respiratoires) sont liés à la cimenterie, on peut cependant conclure du point de vue sanitaire que la pollution produite par le four de Gargenville représente dix fois celle de la circulation des véhicules dans son voisinage. » (page 32).

2 – L’OXYDE d’AZOTE
« Les oxydes d’azote proviennent d’une part de l’oxydation à haute température de l’azote atmosphérique, d’autre part de la combustion des protéines contenues dans les farines animales. Ils entrainent une hyperréactivité des bronches chez les asthmatiques, et une augmentation de la sensibilité des bronches aux infections microbiennes chez les enfants. Les contrôles périodiques ne montrent pas de dépassement des valeurs limites réglementaires, mais comme pour les particules fines, le taux mesuré à Gargenville dépasse de très loin les émissions produites par le trafic routier » (page 33).

REMARQUES COMPLEMENTAIRES

• Les commissaires enquêteurs soulignent le travail fourni par les contributeurs.
” Il est également important de noter qu’un bon nombre d’avis défavorables exprimés au cours de l’enquête publique sont étayés par des analyses et des documents qui conduisent la commission d’enquête à s’interroger, dans les paragraphes suivants, sur le bien-fondé de certaines des affirmations figurant au dossier déposé par Ciments Calcia  » (page 29).
(Périmètre du projet, justification du besoin de ciment, impact de la carrière et de l’usine…)

Par ailleurs les commissaires enquêteurs notent que la “concertation” n’a pas convaincu : « la plupart des partenaires estiment que la concertation n’a pas eu lieu ». « la concertation ne semble pas avoir été bien ressentie par plusieurs des opposants au projet ». (page 20).

L’importance de la position des élus : « l’opposition des élus qui se manifeste par leurs avis défavorables, votés par l’ensemble des conseils municipaux (à l’exception de Gargenville) et du conseil communautaire, doit faire réfléchir, mais il appartiendra à l’autorité administrative de décider ou non de passer outre. » (page 28).

Les Commissaires soulignent qu’il faut attendre que les recours soient purgés.
L’arrêté du 13 mai 2015 qualifiant le projet de la Société Ciments Calcia d’intérêt général reste à ce jour toujours contestée en justice. Le nouvel arrêté du 14 juin 2018 fait également l’objet d’un recours par le PNR et par AVL3C. « L’avis de la commission d’enquête sur la carrière projetée est donc subordonné à la décision définitive des tribunaux sur ce point. » (page 29). Les CE répètent dans leurs réserves que l’exploitation ne pourra se faire qu’ « après avoir obtenu l’autorisation définitive purgée des recours. » (page 47).

Il ressort du rapport que l’étude d’impact est insuffisante.
Les commissaires soulignent qu’un certain nombre d’informations ” ne sont pas fournies dans l’étude d’impact” (page 16) et que celle ci n’évoque ” ni la cimenterie, ni la carrière de Guitrancourt et notamment sa réhabilitation en fin d’exploitation.”( page 17)
Calcia n’a pas répondu, ou de façon incomplète, à de nombreuses questions de l’Autorité Environnementale (listées pages 17, 18, 19, 20)
De nombreuses études complémentaires devraient être faites (le carreau et la nappe, l’impact sur la Moncient, le bruit, les tirs de mine et leur diffusion dans le calcaire,etc…)
• Si on admet que la carrière de Guitrancourt, le projet de Carrière à Brueil-en-Vexin et la cimenterie constituent un tout, on peut en déduire que l’Etude d’Impact de l’enquête publique du projet de carrière est insuffisante.


CONCLUSION

• malgré un avis “favorable”, il nous semble que la commission d’enquête donne beaucoup d’éléments pour que les services de l’Etat se posent la question de la poursuite de ce dossier.
• Pour la première fois le dossier ne reprend pas mot à mot les arguments de l’industriel en balayant tout le reste. Le travail fourni par les opposants a permis de faire émerger une nouvelle approche, ce qui peut nous laisser optimistes sur la suite.