Cette alternative n’a pas été étudiée par le cimentier HeidelbergCement/Calcia dans sa demande d’exploitation d’une nouvelle carrière permettant de prolonger l’activité de la cimenterie de Gargenville (78).
Elle consiste à faire venir le clinker* d’autres régions de France par voie fluviale et ferroviaire. Cette solution permettra l’arrêt du four de la cimenterie et le maintien d’une part significative des emplois.


Cette note de synthèse est issue du document “Une alternative pour la cimenterie de Gargenville ” réalisé par le groupe Ciment de l’AVL3C. Disponible prochainement sur notre site “avl3C.org”.

*Le clinker est un constituant du ciment, qui résulte de la cuisson d‘un mélange composé d’environ 80 % de calcaire (qui apporte le calcium) et de 20 % d’aluminosilicates (notamment des argiles qui apportent le silicium, l’aluminium et le fer).

DES BESOINS DE CIMENT SURESTIMÉS

L’argument principal des partisans de l’ouverture d’une nouvelle carrière : les besoins de ciment. Or :
– Pour le Grand Paris, les besoins ont été surestimés. En effet, de nombreux projets sont retardés, d’autres repoussés jusqu’en 2030 et au-delà. Certains sont abandonnés (1 ).
– Il en est de même pour les J.O. de 2024 : annulation d’une bretelle d’autoroute, piscines modulables pour des raisons financières et nouveaux arbitrages à venir.
– La capacité actuelle de production des cimenteries françaises est de 27 millions de tonnes/an (2), pour une consommation de seulement de 16 millions de tonnes en 2016 (3).

Ce que nous notons :
– La tendance générale s’oriente vers une réduction permanente de la part de clinker dans le ciment par l’ajout de matières de substitution que sont : laitier de haut-fourneau, fillers de calcaire, cendres volantes, fumée de silice, etc. La part de clinker dans le ciment était de 81,9 % en 1990, 70,9 % en 2011, elle approche la barre des 50 % en 2017 pour certaines usines du groupe HeidelbergCement, propriétaire de CALCIA.

UN PROJET DE CARRIERE AUX CONSEQUENCES DESASTREUSES

1 – Les terres agricoles et les réserves en eau.
La demande d’exploitation d’HeidelbergCement/Calcia porte sur 104 hectares de la commune de Brueil-en-Vexin. Ce n’est qu’une première tranche, avant Sailly, puis Fontenay Saint-Père, par tranches successives, sur 550 hectares. Au grand dam d’une agriculture vivante et des nappes phréatiques.

2 – La démesure du projet.
Le projet se situe en contre-haut de la vallée de la Montcient. C‘est trois millions de m³ de terres déplacées, des excavations de 70 mètres de profondeur pour atteindre le calcaire cimentier, des nuisances ( tirs de mine, camions, à 450 m des habitations, à 600 m d’une école, sur un plateau classé paysage remarquable ) et la destruction de terres agricoles d’une très grande qualité.

3 – L’emploi.
Alors que dans l’ensemble de la vallée de la Montcient se développent nombre de petites entreprises ( gîtes, productions artisanales, agricoles, centres équestres, golfs, services à la personne) le projet porterait une atteinte grave au dynamisme économique du secteur rural, encouragé par le Parc naturel régional du Vexin Français.
Exemple : la perte de 40 emplois pour l’entreprise de BTP qui a reçu son congé car située dans le périmètre du projet de carrière au Prieuré Saint-Laurent à Brueil-en-Vexin.

4 – Les paysages du VEXIN.
Les Impressionnistes les ont rendus célèbres, ils attirent de nombreux touristes. La carrière détruirait un gros potentiel touristique de proximité en région parisienne.
Sorti en Mars 2018 et réalisé avec la participation de GPS&O, le Guide du Routard de la vallée de la Seine cite le Vexin parmi ses 5 coups de cœur : « Partez sur les sentiers du Parc naturel du Vexin français pour de bucoliques balades autour de jolis villages, notamment ceux de Brueil-en-Vexin, Oinville-sur-Montcient ou de Fontenay-Saint-Père. Une jolie échappée par le GR 2, dans une nature encore bien préservée ».
Le lieu prévu pour la carrière est aussi un lieu de mémoire pour la bataille de chars d’août 1944, prélude à la Libération de Paris.

L’ALTERNATIVE EXISTE DEJA

Il s’agit donc de faire venir à Gargenville le clinker produit par d’autres cimenteries du groupe HeidelbergCement. Celles-ci sont situées dans des zones moins peuplées, elles sont adossées à des carrières en cours d’exploitation disposant d’importantes réserves de calcaire facilement exploitables.
L’acheminement du clinker doit être assuré par voie fluviale et/ou ferroviaire, ce qui est parfaitement possible. Exemples :

1 – Proposition du directeur de l’usine CALCIA de BEFFES (Journal du Centre, 13 novembre 2017 (4): « Il s’agit d’organiser des allers­-retours hebdomadaires avec quatre péniches pour alimenter le site de Gargenville (Yvelines) en clinker ».
Il précise  même : « Les péniches redescendraient via la plateforme de Bonneuil-sur-Marne, avec des chargements de terre issus des travaux liés aux chantiers du Grand Paris, pour réaménager la carrière de Beffes. » et que la carrière de Beffes dispose de « 80 ans de réserves ».

2 – Solution mise en place par un concurrent de CALCIA.
LafargeHolcim France a inauguré le 6 juillet 2018 sa nouvelle installation de chargement de clinker en région toulousaine
. Cet investissement de 4,4 millions d’euros réalisé à la cimenterie de Martres-Tolosane (5) permettra notamment d’approvisionner par train l’usine de broyage de La Couronne, située à plus de 400 kilomètres dans le département de la Charente.

3 – Quels moyens de transport pour faire venir le clinker ?
Il est préférable d’extraire du calcaire et produire du clinker dans un territoire peu ou pas urbanisé même s’il est un peu éloigné. Le transport du clinker ou du ciment est très coûteux, et la route n’est plus une solution.
La priorité absolue pour faire venir le clinker à la cimenterie est le transport fluvial et ferroviaire.
Cela peut être mis en oeuvre pour la cimenterie de Gargenville. Le quai fluvial est opérationnel, et la possibilité de réhabiliter l’embranchement ferroviaire toujours existant de Gargenville permettrait de recevoir le clinker directement par trains de 1400 tonnes (voire 2 400 tonnes).

4 – Les effets bénéfiques de cette alternative.
– Arrêter l’activité “cuisson de calcaire” (calcination) de l’usine CALCIA, principale source de pollution, et de ne conserver que l’activité broyage, mélange, ensachage et commercialisation.
– Garder près de 50% des emplois de l’usine comme l’a fait Lafarge France pour sa cimenterie de Saint-Ygor d’Ymonville. La cimenterie CALCIA de Rombas fonctionne sans four depuis 40 ans et emploie une soixantaine de personnes.
– L’arrêt du four conduira à la diminution de 98,4 % des émissions de la cimenterie, dont 77,5 % de poussières dans une zone.

Rappelons que la cimenterie à Gargenville brule par an “30 000 t de charbon, 17 000 t de coke de pétrole, et 7 500 t de farines animales et 608 000 litres de fioul/gasoil” alors que cette ville et les communes aux alentours sont classées en zone sensible pour la pollution aérienne. Cette zone a été définie par rapport aux dépassements de la valeur limite annuelle des oxydes d’azote et des PM10 (particules fines). Dans la vallée de Seine, une étude EQIS de Santé Publique France indique, une perte moyenne d’espérance de vie de plus d’un an à l’âge de 30 ans (6).

CONCLUSION

Ces éléments factuels, issus des documents des services de l’Etat, d’organismes officiels ou de solutions déjà mises en place par des cimentiers montrent que l’ouverture d’une carrière dans le Parc Régionale du Vexin est inutile. Elle serait désastreuse pour l’environnement comme pour les emplois locaux.
L’alternative de faire venir du clincker permet de maintenir des activités à l’usine de Gargenville et une part significative des emplois. L’arrêt du four permet d’arrêter une des principales sources de pollution du secteur, la seule cimenterie en milieu urbain de France, au cœur d’un bassin de vie peuplé de 11 000 riverains.

A plus long terme, le territoire de Gargenville doit engager sa conversion vers des activités industrielles moins polluantes, en accord avec la loi de transition énergétique.

La chaîne globale de production du ciment est une activité fortement émettrice de CO2, cette production doit donc baisser. Cette transition industrielle doit être anticipée et accompagnée par les élus et les institutions du territoire, au profit de l’emploi et de la santé de ses habitants.

SOURCES

(1) Le Monde du 22 février 2018 :
« Grand Paris Express  : le gouvernement fixe le nouveau calendrier du chantier ».
www.lemonde.fr/economie/article/2018/02/22/grand-paris-express-le-gouvernement-fixe-le-nouveau-calendrier-du-chantier_5260791_3234.html

(2) BATIACTU du 31 mars 2016 :
« L’industrie cimentière prévoit une stabilisation de son marché en 2016 »
www.batiactu.com/edito/industrie-cimentiere-prevoit-stabilisation-son-marche-44345.php

(3) INFOCIMENTS – Organisations professionnelles de l’industrie cimentière.
Chiffres de la Production de 2012 à 2016
www.infociments.fr/chiffres-cles

(4) Le Journal du Centre du 13 novembre 2017.
www.lejdc.fr/beffes/economie/btp-industrie/2017/11/13/un-geant-de-la- cimenterie_12578529.html

(5) La Dépêche du 12 juillet 2018 :
« Un géant de la cimenterie »
www.ladepeche.fr/article/2018/07/12/2834619-gros-investissement-pour-lafarge-holcim.html

(6)  Santé publique France – Rapport 2016.
« Impacts de l’exposition chronique aux particules fines sur la mortalité en France continentale
et analyse des gains en santé de plusieurs scenarios de réduction de la pollution atmosphérique ».
www.santépubliquefrance.fr

En complément :

  • Cancers et inégalités territoriales en Ile De France. ORS IDF, Sept. 2016
    L’ORS (observatoire régionale de santé) Île-de-France est un observatoire scientifique indépendant financé à parité par l’Agence régionale de santé et par le Conseil régional
    d’Île-de-France.
    Exemple : La mortalité par cancer pulmonaire chez les hommes est élevée : « Dans les Yvelines, le nord-ouest du département au nord de la Seine contraste avec le centre-est
    du département (taux compris entre 66 et 121 pour 100 000 hommes vs 23 et 50 pour 100 000)
  • Le Plan Régional Santé et Environnement d’IDF repère la zone située entre Mantes la Jolie et Meulan comme une zone de “multi-exposition environnementale”, aussi appelée « point noir environnemental » qui cumule au moins 3 nuisances ou pollutions (pollution de l’eau, de l’air ou des sols, pollution sonore, risques industriels…).

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Cette note de synthèse est issue du document “Une alternative pour la cimenterie de Gargenville ” réalisé par le groupe Ciment de l’AVL3C.